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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
EN ÉQUATEUR, BOLIVIE ET PARAGUAY

(5-13 JUILLET 2015)

RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Stade León Condou de l'école San José, Asunción (Paraguay)
Samedi 11 juillet 2015

[Multimédia]


Buenas tardes,

J’ai écrit ce texte sur la base des questions qui m’étaient parvenues, qui ne sont pas toutes celles que vous venez de poser ; par conséquent, ce qui manque [dans le texte] je le complèterai, tout en parlant, en sorte que, dans la mesure du possible, je réussisse à exprimer ma pensée sur vos réflexions.

Je suis heureux de pouvoir être avec vous, les représentants de la société civile, pour partager ces rêves et ces espoirs d’un avenir meilleur, ainsi que des problèmes. Je remercie Mgr Adalberto Martínez Flores, Secrétaire de la Conférence Épiscopale du Paraguay pour ces paroles de bienvenue qu’il m’a adressées au nom de tous. Et je remercie les six personnes qui ont parlé, chacune d’elles présentant un aspect de votre réflexion.

Vous voir tous, chacun provenant d'un secteur, d'une organisation de cette société paraguayenne, avec ses joies, ses préoccupations, ses luttes et ses recherches, m'amène à rendre grâce à Dieu. C’est-à-dire que le Paraguay n’est pas mort, grâce à Dieu. Car un peuple qui vit, un peuple qui ne maintient pas vivantes ses préoccupations, est peuple qui vit dans l'inertie de l'acceptation passive, c'est un peuple mort. Au contraire, je vois en vous la sève d'une vie qui court et qui veut germer. Et cela, Dieu le bénit toujours. Dieu est toujours en faveur de tout ce qui aide à relever, à améliorer la vie de ses enfants. Il y a des choses qui sont mauvaises, certes ! Il y a des situations injustes, certes ! Mais de les voir et de les sentir, cela m'aide à renouveler l'espérance dans le Seigneur qui continue d'agir au milieu de son peuple. Vous venez de différents horizons, situations et recherches, tous ensemble vous formez la culture paraguayenne. Vous êtes tous nécessaires dans la recherche du bien commun. « Dans les conditions actuelles de la société mondiale, où il y a tant d’inégalités et où sont toujours plus nombreuses les personnes marginalisées » (Laudato si’, n. 158), vous voir ici est un cadeau. C’est un don parce que j’ai vu, chez les personnes qui ont parlé, la volonté pour le bien de la patrie.

1. Par rapport à la première question, cela m'a plu d'écouter de la bouche d'un jeune la préoccupation de faire en sorte que la société soit un espace de fraternité, de justice, de paix et de dignité pour tous. La jeunesse est le temps des grands idéaux. Souvent je suis tenté de dire que je suis triste de voir un jeune retraité. Comme c’est important que vous les jeunes – et qu’il y en a,  des jeunes ici au Paraguay ! – que vous les jeunes vous compreniez que le vrai bonheur passe par la lutte pour un pays fraternel ! Et il est bon que vous les jeunes, vous voyiez que bonheur et plaisir ne sont pas synonymes. Une chose est le bonheur et la joie… et une autre le plaisir passager. Le bonheur construit, il est solide, il édifie.  Le bonheur exige engagement et dévouement. Vous êtes trop précieux pour parcourir le chemin de la vie comme des anesthésiés !Le Paraguay a une population jeune nombreuse et c’est une grande richesse. C’est pourquoi je pense que la première chose à faire est d'éviter que cette force s’éteigne, que cette lumière qu’il y a dans vos cœurs disparaisse, et de contrecarrer la mentalité croissante qui considère qu’il est inutile et absurde d'aspirer à des choses qui valent la peine : ‘‘Non, ne t’en mêle pas ; non, ça ne peut plus être réglé’’. En revanche, cette mentalité qui prétend aller de l’avant est considérée comme absurde. […d’aspirer] à jouer pour quelque chose, à jouer pour quelqu’un. Ça, c’est la vocation de la jeunesse et n’ayez pas peur de tout donner sur le terrain de jeu. Jouez sans tricher, jouez en donnant tout. N’ayez pas peur de donner le meilleur de vous-mêmes. Ne cherchez pas un arrangement préalable pour éviter la fatigue, la lutte. Ne corrompez pas l’arbitre.

Mais oui, cette lutte, ne la menez pas seuls. Cherchez à échanger, profitez-en  pour écouter la vie, les histoires, les contes de vos aînés et de vos grands-parents ; là, il y a de la sagesse. Perdez beaucoup de temps à écouter tout ce qu’ils ont de bon à vous enseigner. Ils sont les gardiens de ce patrimoine spirituel de foi et de valeurs qui définissent un peuple et éclairent le chemin. Trouvez aussi une consolation dans la force de la prière, en Jésus, dans sa présence quotidienne et constante. Il ne déçoit pas. Jésus invite à travers la mémoire de votre peuple. C’est le secret pour que votre cœur – le vôtre - se maintienne toujours dans la joie dans la recherche de fraternité, de justice, de paix et de dignité pour tous. Ceci peut constituer un danger : ‘‘Oui, oui, je veux la fraternité, la justice, la paix et la dignité’’, mais ceci peut devenir un nominalisme : pure parole ! Non ! La fraternité, la justice, la paix et la dignité sont concrètes, autrement elles ne servent à rien. Elles sont de tous les jours ! Elles se construisent tous les jours ! Donc, je te demande à toi, jeune : ‘‘Comment construis-tu ces idéaux, jour après jour, dans le concret ? Même si tu te trompes, est-ce que tu te corriges et continues le chemin ?’’. Mais du concret !

Moi, je vous confesse que parfois cela me donne un peu d’allergie, ou pour ne pas le dire dans des termes si élégants, cela me donne la morve d’écouter des discours grandiloquents avec toutes ces paroles et, quand on connaît la personne qui parle, on se dit : ‘‘Menteur que tu es !’’. C’est pourquoi, les paroles seules ne servent pas. Si tu dis une parole, engage-toi par cette parole, donne-lui corps jour après jour, jour après jour. Sacrifie-toi pour ça ! Engage-toi !  

La poésie de Charles Miguel Giménez, que Mgr Adalberto a citée, m’a plu. Je crois qu'elle résume très bien ce que j’ai voulu vous dire : « Je [rêve] d’un paradis sans guerre entre frères, riche d’hommes sains d’âme et de cœur….et d’un Dieu qui bénit sa nouvelle ascension ». Oui, c’est un rêve. Et il y a deux garanties : que le rêve devienne un réalité de tous les jours, et que Dieu soit reconnu comme la garantie de notre dignité en tant qu’hommes.

2. La deuxième question s'est référée au dialogue comme moyen pour forger un projet de nation qui inclue tout un chacun. Le dialogue n'est pas facile. Il y a aussi le ‘‘dialogue-théâtre’’, c’est-à-dire, faisons une mise en scène du dialogue, feignons de dialoguer, et après nous parlons entre nous deux, entre nous deux, et ce qui a été fait auparavant est effacé. Le dialogue se déroule sur la table, c’est clair. Si, dans le dialogue, tu ne dis pas réellement ce que tu sens, ce que tu penses, et si tu ne t’engages pas à écouter l’autre, à ajuster progressivement ce que tu penses et en conversant, le dialogue ne sert pas, c’est un vernis. Maintenant, c’est aussi vrai que le dialogue n’est pas facile, il faut surmonter  les nombreuses difficultés qu'il faut vaincre et, parfois, il semble que nous nous entêtions à rendre les choses toujours plus difficiles. Pour qu'il y ait dialogue il faut une base fondamentale, une identité. Certes, par exemple, je pense à notre dialogue, le dialogue inter-religieux, où nous, représentants de diverses religions, nous nous parlons. Nous nous réunissons, parfois, pour parler… et [exposer] les points de vue, mais chacun parle à partir de son identité : ‘‘Je suis bouddhiste, je suis évangéliste, je suis orthodoxe, je suis catholique’’. Mais chacun décline son identité. On ne négocie pas son identité ; c’est-à-dire que pour qu’il y ait dialogue, cette base fondamentale est nécessaire. Et qu’est-ce que l’identité dans un pays ? – nous parlons du dialogue social ici – L’amour de la patrie. La patrie en premier lieu, ensuite mes affaires. La patrie en premier lieu ! C’est cela l’identité. Donc, moi, à partir de cette identité, je vais dialoguer. Si je vais dialoguer sans cette identité, le dialogue ne sert pas. En outre, le dialogue présuppose et exige que nous cherchions cette culture de la rencontre. C’est-à-dire une rencontre qui sache reconnaître que la diversité n’est pas seulement bonne, mais qu’elle est nécessaire. L’uniformité nous annihile, elle fait de nous des automates. La richesse de la vie est dans la diversité. Par conséquent, le point de départ ne peut pas être : ‘‘Je vais dialoguer mais l’autre est dans l’erreur’’. Non, non, nous ne pouvons pas présumer que l’autre est dans l’erreur. J’y vais avec ce qui  m’est propre et je vais écouter ce que l’autre dit, en quoi l’autre m’enrichit, en quoi l’autre me fait réaliser que je suis dans l’erreur, et j’y vais avec ce que, moi, je peux lui donner. C’est un aller et retour, aller et retour, mais avec le cœur ouvert. Avec des présomptions que l’autre est dans l’erreur, il vaut mieux retourner à la maison et ne pas entamer de dialogue, n’est-ce pas ? Le dialogue, c’est pour le bien commun, et on cherche le bien commun à partir de nos différences en laissant toujours des possibilités à de nouvelles alternatives. C'est-à-dire que le dialogue vise quelque chose de nouveau. Lorsqu’il y a un vrai dialogue, toujours il se termine – permettez-moi la parole, mais je le dis dans le sens positif du terme – par un accord nouveau, dans lequel tous nous nous sommes mis d’accord sur quelque chose. Y a-t-il des différences ? Elles restent de côté, en réserve. Mais sur ce point sur lequel nous nous sommes mis d’accord, ou sur ces points sur lesquels nous nous sommes mis d’accord, nous nous engageons et nous les défendons. C’est un pas en avant. C’est cela la culture de la rencontre. Dialoguer, ce n’est pas négocier. Négocier, c’est chercher à tirer chacun ‘‘son épingle du jeu’’, à voir comment tirer la mienne. Non [dans ce cas], ne dialogue pas, ne perds pas ton temps ! Si tu vas [au dialogue], animé de cette intention, ne perds pas ton temps ! [Dialoguer], c’est chercher le bien commun pour tous.  Discuter, penser à une meilleure solution pour tous. Bien souvent, cette culture de la rencontre se trouve prise dans le conflit. C’est-à-dire… Nous avons vu un beau ballet à l’instant. Tout était coordonné et un orchestre qui était une véritable symphonie d’accords. Tout était parfait. Tout allait bien. Mais dans le dialogue, il n’en est pas toujours ainsi, et tout n’est pas un ballet parfait ou un orchestre coordonné. Dans le dialogue, il se produit le conflit. Et c’est logique et pas surprenant. Car, si je pense d’une façon et toi d’une autre, et nous cheminons, un conflit va naître. Nous ne devons pas le craindre. Nous ne devons pas ignorer le conflit. Au contraire, nous sommes invités à assumer le conflit. Si nous n’assumons pas le conflit – ‘‘Non, c’est un casse-tête, qu’il retourne chez lui avec son idée, moi je reste avec la mienne’’ – nous ne pourrons jamais dialoguer. Cela signifie « accepter de supporter le conflit, …le résoudre et ….le transformer en un maillon d’un nouveau processus » (Evangelii gaudium, n. 227). Nous allons dialoguer, il y a conflit, je l’assume, je le résous et c’est le maillon d’un nouveau processus. C’est un principe qui doit nous aider beaucoup : « L’unité est supérieure au conflit » (Id., n. 228). Le conflit existe : il faut l’assumer, il faut essayer de le résoudre dans la mesure du possible, mais en vue d’atteindre une unité qui n’est pas uniformité, mais qui est unité dans la diversité. Une unité qui ne rompt pas les différences, mais les vit en communion à travers la solidarité et la compréhension. En essayant de comprendre les raisons de l'autre, en essayant d’écouter son expérience, ses désirs ardents, nous pouvons voir qu'en grande partie ce sont des aspirations communes. Et c'est la base de la rencontre : tous nous sommes frères, enfants du même Père, d’un Père céleste, et chacun avec sa culture, sa langue, ses traditions, a beaucoup à apporter à la communauté. A présent, ‘‘Est-ce que je suis disposé à recevoir cela ?’’. Si je suis disposé à recevoir, et à dialoguer avec cela, alors oui, je m’assois pour dialoguer ; si je ne suis pas disposé, il vaut mieux ne pas perdre du temps.  Les vraies cultures ne se renferment jamais sur elles-mêmes –elles meurent, si elle se renferment sur elles-mêmes, elles meurent - mais elles sont appelées à rencontrer d'autres cultures et à créer de nouvelles réalités. Quand nous étudions l’histoire, nous trouvons des cultures millénaires qui n’existent plus. Elles sont mortes. Pour beaucoup de raisons. Mais l'une de ces raisons est que les cultures en question se sont renfermées sur elles-mêmes. Sans cette condition essentielle, sans cette base de fraternité, il sera très difficile d’arriver au dialogue. Si quelqu'un considère qu'il y a des personnes, des cultures, des situations de deuxième, troisième ou de quatrième catégorie… pour sûr, quelque chose ira mal parce qu’il manque simplement le minimum, la reconnaissance de la dignité de l’autre. Qu’il n’y ait pas de personnes de première, de deuxième, de troisième, de quatrième [catégorie] : elles sont toutes de la même [catégorie].

3. Et cela me permet de répondre à l'inquiétude manifestée dans la troisième question : accueillir le cri des pauvres pour construire une société plus inclusive. C’est curieux, l’égoïste s’exclut. Nous autres, nous voulons inclure. Rappelez-vous la parabole de l’enfant prodigue, ce fils qui a demandé l’héritage au père, qui a emporté tout son argent, l’a gaspillé dans la bonne vie et qui, au bout du compte après avoir tout perdu – parce qu’il avait faim – s’est souvenu de son père. Et son père l’attendait. C’est la figure de Dieu, qui nous attend toujours. Et quand il l’a vu venir, il l’embrasse et fait la fête pour lui. En revanche, l’autre fils, celui qui était resté à la maison, se met en colère et s’exclut lui-même : ‘‘Moi je ne me mêle pas à ces gens, moi je me suis bien comporté, je suis doté d’une grand culture, j’ai étudié dans telle ou telle université, je suis de cette famille et de cette noble lignée. Donc, ceux-là, je ne peux pas les fréquenter.  N’exclure personne, mais ne pas s’exclure soi-même, parce tous nous avons besoin de tous. Un élément fondamental pour promouvoir les pauvres réside aussi dans la manière dont nous les voyons. Un regard idéologique qui finit par les utiliser au service d'autres intérêts politiques ou personnels (Evangelii gaudium, n. 199). Les idéologies finissent toujours mal, elles ne servent pas. Les idéologies ont une relation ou incomplète, ou malsaine, ou mauvaise avec le peuple. Les idéologies ne prennent pas en compte le peuple. C’est pourquoi, tenez, au  siècle dernier, à quoi les idéologies ont abouti ? A la dictature, toujours, toujours. Elles pensent pour le peuple, elles ne laissent pas le peuple penser. Ou bien comme disait ce critique acerbe de l’idéologie, quand on lui a dit : ‘‘Oui, mais ces gens ont de la bonne volonté et veulent faire des choses pour le peuple’’ – ‘‘Oui, oui, oui, tout pour le peuple, mais rien avec le peuple’’. C’est ça, les idéologies.  Pour chercher effectivement leur bien, la première chose est d'avoir une vraie préoccupation pour leur personne –je suis en train de parler des pauvres - de les valoriser dans ce qu’ils ont de bon en eux-mêmes. Mais une évaluation réelle exige d’être disposé à apprendre des pauvres, apprendre d’eux. Les pauvres ont beaucoup à nous enseigner en humanité, en bonté, en sacrifice, en solidarité. Nous les chrétiens, en outre, nous avons un plus grand motif pour aimer et servir les pauvres, car en eux nous voyons le visage, le visage et la chair du Christ, qui est devenu pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8,9). Les pauvres sont la chair du Christ. Moi, j’aime demander quand je confesse les gens – maintenant, je n’ai pas beaucoup d’occasions de confesser, comme j’en avais dans mon diocèse précédent – mais j’aime demander : ‘‘Et aidez-vous les gens ?’’. – ‘‘Oui, oui je fais de l’aumône’’. – ‘‘Ah, et dites-moi, quand vous faites de l’aumône, celui à qui vous donnez vous touche-t-il la main ou vous jetez la monnaie, en faisant comme ceci ?’’. Ce sont des attitudes. ‘‘Quand vous faites de l’aumône, vous regardez [celui à qui vous donnez] droit dans les yeux ou vous regardez de côté ?’’. Ça, c’est mépriser le pauvre. Ils sont pauvres. Pensons-y bien. C’est quelqu’un comme moi et s’il traverse un moment difficile pour mille raisons –économiques, politiques, sociales ou personnelles -, je pourrais être à sa place, désirant que quelqu’un m’aide. Et outre le désir que quelqu’un m’aide, si je suis là, j’ai le droit d’être respecté. Respecter le pauvre. Ne pas l’utiliser comme un objet pour laver nos fautes. Apprendre des pauvres, comme je l’ai déjà dit, à travers les choses qu’ils ont, à travers les valeurs qu’ils ont. Et nous les chrétiens, nous avons ce motif qu’ils sont la chair de Jésus.

Certainement, pour un pays, la croissance économique et la création de richesse sont très nécessaires, et il faut que celles-ci arrivent à tous les citoyens sans que personne ne soit exclu. Et ceci est nécessaire. La création de cette richesse doit toujours être en fonction du bien commun, de tous, et non d’une minorité. Et en cela il faut être très clair. « L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage » (Evangelii gaudium, n. 55). Les personnes dont la vocation est d'aider au développement économique ont la tâche de veiller à ce que celui-ci ait toujours un visage humain. Le développement économique doit avoir un visage humain. Non ! à l’économie sans visage ! Entre leurs mains se trouve la possibilité d'offrir du travail à beaucoup de personnes et de donner ainsi de l'espérance à tant de familles. Apporter le pain à la maison, offrir aux enfants un toit, offrir la santé et l’éducation, ce sont des aspects essentiels de la dignité humaine, et les entrepreneurs, les hommes politiques, les économistes, doivent se laisser interpeller par cela. Je leur demande de ne pas céder à un modèle économique idolâtre qui a besoin de sacrifier des vies humaines sur l'autel de l'argent et de la rentabilité. Dans l'économie, dans l'entreprise, en politique, la priorité est toujours la personne et l'environnement où elle vit.

Avec raison, le Paraguay est connu dans le monde pour avoir été la terre où ont commencé les Réductions, l'une des expériences d'évangélisation et d’organisation sociale les plus intéressantes de l'histoire. Dans celles-ci, l'Évangile a été l’âme et la vie de communautés où il n'y avait pas de faim, il n’y avait pas de chômage, ni d'analphabétisme, ni d'oppression. Cette expérience historique nous montre qu'une société plus humaine est possible aujourd'hui aussi. Vous l’avez vécu profondément ici. C’est possible ! Quand il y a l'amour de l'homme et une volonté de le servir, il est possible de créer les conditions pour que tous aient accès aux biens nécessaires, sans que personne ne soit écarté. Chercher dans chaque cas les solutions pour le dialogue.

A la quatrième question, j’ai répondu [par les considérations] sur l’économie [qui doit être] toute en fonction de la personne et non en fonction de l’argent. La dame, l’entrepreneur, parlait du peu d’efficacité de certaines voies. Et elle en mentionnait une à laquelle je m’étais référé dans l’Evangelii gaudium, qui est le populisme irresponsable, n’est-ce pas ? Et il semble que ça ne produit pas des résultats, non ? Et il y a tellement de théories, non ? Comment faire ? Je crois que dans ce que je dis d’une économie à visage humain, se trouve l’inspiration pour répondre à cette question.

En ce qui concerne la cinquième question, je crois que la réponse a été donnée tout le long de ce que j’ai dit quand j’ai parlé des cultures. C’est-à-dire une culture savante, qui est une culture et elle est bonne et il faut la respecter, n’est-ce pas ? Aujourd’hui par exemple, dans une partie du ballet, on a joué la musique d’une culture savante et bonne. Mais il y a une autre culture, qui a la même valeur, qui est la culture des peuples autochtones, des diverses ethnies. Une culture que j’oserais appeler – mais dans le sens positif du terme – une culture populaire. Les peuples ont leur culture et créent leur culture. Ce travail pour la culture dans le sens le plus large du terme est important. La culture n’est pas seulement le fait d’avoir étudié et de pouvoir jouir d’un concert, ou de lire un livre intéressant, qui est une culture, mais la culture c’est mille choses. On parlait du tissu de Ñanduti. Ça, par exemple, c’est une culture. Et c’est une culture née du peuple. Pour donner un exemple, n’est-ce pas ? Et il y a deux choses que, avant de terminer, je voudrais mentionner. Et cela, comme il y a des politiciens présents ici – y compris le Président de la République – je le dis fraternellement, n’est-ce pas ? Quelqu’un m’a dit : ‘‘Ecoutez, telle personne a été séquestrée par l’armée, faites quelque chose’’. Je ne dis pas que ce soit vrai, ou que ce ne soit pas vrai, que ce soit juste, que ce ne soit pas juste, mais l’une des méthodes des idéologies dictatoriales du siècle passé, auxquelles je me suis référé tout à l’heure, c’était d’éliminer les gens, ou par l’exil, ou par la prison, ou dans les camps d’extermination nazis ou staliniens par la mort, n’est-ce pas ? Pour qu’il y ait une vraie culture chez un peuple, une culture politique et du bien commun, [il faut qu’il y ait aussi] des procès rapides, des procès transparents. Et un autre genre de stratagème ne sert pas. La justice transparente, claire ! Cela va nous aider tous. Je ne sais pas ça existe ici ou non,  je le dis avec tout le respect. On m’en a fait part quand j’entrais. On me l’a dit ici. Et il m’a été demandé de prier pour quelqu’un. Je n’ai pas bien entendu le nom de famille. Et il y a quelque chose d’autre que, par honnêteté,  je voudrais dire : une méthode qui n’accorde pas de liberté aux personnes pour assumer de manière responsable leur tâche de construction de la société,… c’est le chantage. Le chantage, c’est toujours de la corruption : ‘‘Si tu fais ceci, nous allons te faire cela, par lequel nous te détruirons’’. La corruption est une mite, c’est la gangrène d’un peuple. Par exemple, aucun politicien ne peut accomplir sa mission, son travail, s’il est soumis au chantage par des attitudes de corruption : ‘‘Donne-moi ceci, donne-moi ce pouvoir, donne-moi cela, sinon je te fais ceci ou cela’’. Cela - qui arrive dans tous les pays du monde, car ça arrive - si un peuple veut garder sa dignité, il faut qu’il l’éradique. Je parle de quelque chose qui est universel.

Et je termine. Pour moi, c'est une grande joie de voir le nombre et la variété des associations qui sont engagées dans la construction d'un Paraguay toujours meilleur et prospère, mais si vous ne dialoguez pas, cela ne sert à rien. Si vous faites du chantage, cela ne sert à rien. Cette multitude de groupes et de personnes sont comme une grande symphonie, chacune avec sa particularité et sa propre richesse, mais cherchant l'harmonie finale, l’harmonie, et  c'est cela qui compte. Et n’ayez pas peur du conflit, mais parlez-en et cherchez des voies de solutions.

Aimez votre patrie, vos concitoyens et, surtout, aimez les plus pauvres. Ainsi vous serez dans le monde le témoignage qu’un autre modèle de développement est possible. Je suis convaincu, en raison de votre propre histoire, que vous avez la plus grande force qui existe : votre humanité, votre foi, votre amour, cette façon d’être du peuple paraguayen qui le distingue de manière si admirable des autres nations du monde !

Et je demande à la Vierge de Caacupé, notre Mère, de prendre soin de vous, de vous protéger, de vous encourager dans vos efforts. Que Dieu vous bénisse et prions pour moi. Merci !

(Après le chant)

Un conseil, en guise d’au revoir, avant la bénédiction : la pire chose qui puisse arriver à chacun d’entre vous, quand vous sortirez d’ici, c’est de penser : ‘‘Que c’est bien ce qu’a dit le Pape à un tel, à tel autre, à tel autre encore’’. Si quelqu’un parmi vous accepte de penser de la sorte – car la pensée d’habitude me vient à moi aussi parfois -, mais il faut rejeter ces pensées…. ‘‘Le Pape pour qui il disait ceci’’ – ‘‘A moi’’. A chacun, peu importe qui : ‘‘A moi’’. Et je vous invite à prier notre Père commun, tous ensemble chacun dans sa langue :

Notre Père.

 


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